Les stations de sauvetage aussi peuvent avoir besoin de sauveteurs. Y compris pour elles-mêmes. Celle de Trébeurden (Côtes d’Armor) en a fait partie. Implantée jusqu’alors sur deux sites distants d’une dizaine de kilomètres – Trébeurden, où est basée la vedette SNS 218 Pors Trozoul, et l’Île-Grande, dotée du semi-rigide SNS 718 Toulgwenn, elle a été victime d’une certaine usure. Fin 2020, le siège parisien de la SNSM a dû trancher. L’Île-Grande a, dès lors, été rattachée à la station de Trégastel, tandis que Trébeurden restée seule devait reconstituer un équipage pour la vedette.
« Nous n’étions plus que quatre membres à rester à la station de Trébeurden, explique Rudy Coulon, président de cette dernière. Le siège des Sauveteurs en Mer nous a proposé, dans un premier temps, de nommer un patron. Il y en avait un parmi nous quatre, qui est devenu le patron titulaire. Puis on nous a demandé d’essayer de recomposer une équipe, avec un trésorier et un président. » Pressenti pour ce dernier poste, Rudy Coulon n’y tenait pas particulièrement, mais l’a accepté en janvier dernier, dans « l’intérêt de la station, affirme-t-il. Nous avons reformé un équipage et, début octobre, nous sommes trente-quatre dont trois femmes. C’est comme si nous avions créé une nouvelle station. »
Un véritable défi
Car, au début de l’année, cette « nouvelle » station ne disposait que de quatre sauveteurs expérimentés et de quelques « sauveteurs potentiels, de toutes générations mais pratiquement sans aucune expérience des secours », souligne Rudy Coulon. Dans ces conditions, pas d’autre solution que d’opter pour « une formation très intensive, jusqu’à trois soirées par semaine. C’était très dense pour eux, mais ils le savaient. Nous l’avions expliqué car nous voulions avoir au moins une équipe opérationnelle pour l’été », poursuit le président.
Résultat, « l’été s’est très bien passé. Ils se sont énormément investis puisqu’en huit mois, nous avons huit PSE1 – le premier niveau de secours –, trois équipiers pont et bientôt d’autres spécialités. Pour une première saison, en si peu de temps, c’est bien, même très bien, nous sommes assez fiers d’eux », raconte Rudy Coulon, en soulignant le soutien essentiel du centre de formation et d’intervention des Côtes d’Armor, basé à Trégastel.
Sa recette ? Visiblement, ce quarantenaire enthousiaste est avant tout modeste. Tenant à jouer toujours collectif, il sait déléguer et déceler les aptitudes comme les goûts de chacun pour en faire des atouts. Et il s’applique les mêmes pratiques. Son métier de vendeur de voitures depuis treize ans lui permet de rencontrer et de lier connaissance avec « énormément de monde dans notre bassin d’activité, professionnels et particuliers, et la communication fait partie de mon quotidien. Cela aide fortement », estime-t-il.
Il en est de même du patron de la vedette, Christophe Ooghe. « J’ai la chance qu’il soit directeur de l’école de voile de Trébeurden. Il a pu aller motiver des jeunes qui étaient déjà dans le milieu maritime, précise le président. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur les réseaux sociaux pour faire connaître l’activité de la SNSM afin que d’autres personnes aient envie de se présenter naturellement pour proposer leurs services et nous rejoindre. »
Lui, sa vocation tient à ses racines. Son père avait été sauveteur plusieurs années et certains de ses amis l’étaient. « J’observais cela de loin et j’aime beaucoup le milieu maritime. Ce qui m’a vraiment attiré, c’est le côté humain du groupe SNSM, l’esprit familial et être là pour les autres. Ce sont des choses de plus en plus rares », insiste-t-il.
Pour autant, cet amateur de navigation de plaisance sait aussi garder les pieds sur terre. « La passion est une chose, motiver une équipe et la gérer avec les différents tempéraments en est une autre », reconnaît-il.
Partage et collégialité
Il accompagne, montre la route, en s’appuyant sur son vice-président et les patrons. « Nous prenons des décisions de manière très collégiale. Après, quand il faut trancher, je tranche, mais l’idée était quand même de rajeunir l’état d’esprit, tout en gardant la porte ouverte aux volontaires de tous les âges, parce qu’il en faut », poursuit Rudy Coulon, très attentif à utiliser au mieux les compétences de chacun et à encourager leur partage. Il a pu créer ainsi plusieurs binômes de façon à ce que « la mission de sauvetage ne s’arrête pas ».
Pour lui, le sauvetage, c’est certes du bénévolat et une passion, mais c’est aussi un métier non rémunéré qui demande « un vrai investissement. Il faut rester connecté, se former, s’entraîner, écouter, apprendre des anciens parce qu’ils ont plein de choses à transmettre, et savoir ne pas mettre sa vie en danger », résume-t-il. Avec une mention spéciale pour les donateurs, ainsi que les compagnes et compagnons très investis dans les animations, qui permettent de faire connaître la SNSM.
Réunir les 70 000 à 80 000 € nécessaires chaque année au fonctionnement de la station est aussi un point central de la mission; cette année, la station de Trébeurden va engager 20 000 € pour la révision des cinq cents heures de service des moteurs de la SNS 218.
Article rédigé par Dominique Malécot, diffusé dans le magazine Sauvetage n°158 (3e trimestre 2021)